Le vote de la diaspora

  1. Pour les Grecs qui sont nés en Grèce et résident à l’étranger (ils sont déjà inscrits sur les registres de l’Etat civil d’une commune), cela ne pose aucun problème de citoyenneté ou de droit de vote. Cela concerne par exemple les six cent mille jeunes diplômés qui ont quitté le pays pour raison économique.
  2. Pour ceux qui sont nés à l’étranger (donc inscrits dans un registre d’état civil d’un autre pays), il leur suffit de prouver que :
    1. ils sont Grecs : Ceux qui sont nés en Grèce, ou ont un parent né en Grèce doivent compléter leur inscription au registre d’Etat civil, si elle n’est pas faite. Pour les Grecs de 2e, 3e, ou 4e génération à l’étranger, ils doivent rechercher un arrière grand père né en Grèce (recherche de preuve de droit de sang). Par la suite il faut obtenir tous les justificatifs, extraits, attestations, certificats, etc, de naissance, de mariage de changement de nom, si nécessaire pour prouver la chaîne de sang, la filiation, la parenté…. Hormis les difficultés administratives (recherches généalogiques, traductions, etc.) pour faire valoir son droit de citoyenneté. Un détail qui mériterait un bon commentaire est le fait que pour l’homme grec marié à une femme d’une autre nationalité, il faut la preuve de mariage religieux, alors que pour la femme grecque marié à un ressortissant d’un autre pays, le mariage civil suffit. Cette alternative, nécessite donc de restaurer la chaîne de parenté jusqu’aux enfants du votant, dont il faut joindre leurs actes de naissance. Dans cette catégorie il est important de mentionner les personnes, qui ont subi en plus une altération de leurs noms, soit parce que l’administration de l’Etat d’accueil a jugé qu’il était trop long, ou trop différent, ou imprononçable, et par conséquent ont « nationalisé » les nom et prénom du sujet, en France on parle de francisation et les cas sont plus que nombreux, soit encore parce qu’il y a eu des fautes de transcription ou de traduction, ce qui n’est pas rare pour les années non informatisées. Et dans ce cas il faudra trouver les documents d’origine qui prouvent par exemple que le nom ne contient pas un d mais un δ puisque le son d s’écrit en grec avec ντ. Les Ioannis sont devenus des Jean et les Petros des Pierre. Très nombreux sont les cas où les personnes qui ont immigré ont choisi de privilégier la phonétique de leurs noms plutôt que l’écriture dont la prononciation dans le pays d’accueil ne les favorisait pas….. ou encore, lorsque le préposé de l’état civil prenait l’initiative de baptiser à sa guise la personne demandeuse d’une carte de résident ou d’un passeport, sans lui demander l’avis. Dans ces cas, il faut une décision de justice du pays d’accueil qui déclare que le citoyen, né à un certain lieu, a changé son nom, ou il faut fournir une double attestation d’identité avec photo (passeport, permis de conduire, par exemple), qui montrera les deux versions du nom pour la même personne, chose laborieuse.
    2. ils se sentent Grecs: Dans cette catégorie se trouvent les descendants des familles qui ont émigré depuis 2-3 et plus générations, familles mixtes ou composées, qui n’ont pas de papiers grecs ou qui ne bénéficient pas d’assez de preuves pour montrer qu’ils sont descendants de Grecs, et dans ce cas ils doivent entamer une démarche d’acquisition de la nationalité (connaissance suffisante de la langue, de l’histoire, de la civilisation…). Ce choix a été conçu pour faciliter les démarches pour tous ceux dont un ou plusieurs des documents cités ci-dessus prouvant l’origine, ne sont pas fournis ou valides, ou parce qu’il y a un problème, comme par exemple lors d’un changement de nom, ou parce qu’ils n’ont jamais été officiellement déclarés grecs (comme à l’époque de l’empire ottoman, les grecs de Syrie, de Liban ou d’Egypte, de la Mer Noire ou du Pont Euxin, avant qu’ils émigrent vers leur nouveau pays d’accueil, c’est à dire en USA, au Canada ou à l’URSS. Une fois les justificatifs à la main, le candidat à la citoyenneté, peut s’attendre à être entretenu avec l’ambassadeur qui évaluera et statuera sur la suffisance de l’hellénicité du candidat ou rejetera la demande. Comme dans le cas précédent, Il faudra tenir compte aussi du dysfonctionnement de l’administration grecque. Imposer un parcours de combattant aux Grecs de la Diaspora n’est ni moralement ni politiquement correct.

Rien de très différent, si on compare avec les modalités administratives françaises. La différence cependant est qu’en plus de ces deux parcours de combattant ainsi offerts, il faudra tenir compte du labyrinthe administratif grec. Soumettre les Grecs de 2e, 3e, 4e, et plus, générations de la Diaspora à un tel traitement, découragera sans doute la grande majorité de ceux qui habitent hors du sol grec d’essayer de faire valoir leur nationalité grecque et exercer leur droit de vote. L’Etat civil grec tente-t-il aussi de restaurer si maladroitement sa compétence administrative malmenée par tant de décennies d’immigrations économiques et politiques ? C’est pour plaire aux partisans ? De toutes façons le sujet divise encore plus une nation qui est déjà bien divisée politiquement.

Une méthode critiquable

On peut s’interroger naturellement à propos de l’introduction de cette loi-cadre, sans l’examen préalable des impacts qui se profilent. Jusqu’à aujourd’hui, ceux qui pouvaient aller voter à leur frais, à l’ambassade la plus proche, le faisaient. Les autres, qui n’avaient pas un titre de nationalité, s’abstenaient en attendant que l’administration grecque fasse le nécessaire pour resserrer les liens avec sa diaspora. Rien n’est proposé pour un vote électronique ou d’une mise à jour à distance de son carnet de famille, ou encore pour une phase de préparation de l’administration grecque qui se verra bombardé de plusieurs centaines de milliers de dossiers. L’état n’avait-il pas les moyens de procéder autrement à l’era de l’informatique et des communications ?

C’est effectivement de la diaspora grecque dont il est question, du peuple grec qui malgré-lui s’est mondialisé avant les autres et dont les populations ont bâti des nouvelles Grèces, aux confins du monde. Des légiférations inefficaces ne peuvent pas avoir lieu. La diaspora grecque ne mérite pas cela. Il s’agit en même temps de la violation de la constitution, qui avec ses articles 51 §3 et §54 ne permet pas au Parlement de légiférer contre le droit de vote et contre l’égalité devant le droit de vote. En particulier, le gouvernement tente d’imposer des critères de durée de séjour à l’étranger, ou de possession d’un numéro fiscal, ou d’avoir travaillé au moins un an en Grèce dans les vingt dernières années, etc., comme aussi il agit contre le principe de la proportionnalité, dans le sens où de telles restrictions au droit de participation doivent viser un résultat constitutionnellement souhaité, alors qu’il propose la carte de séjour à des étrangers qui investissent pour plus de 200.000€, c’est-à-dire le prix d’une seconde résidence.

La constitution hellénique prévoit actuellement la possibilité de vote pour les résidents à l’étranger et leur représentation par des députés dit territoriaux, actuellement au nombre de 12, nombre sensible à croître jusqu’à 15, puisque souhaitable par la constitution, qui limite ce nombre au 1/20 des députés.  S’il y avait un changement constitutionnel à faire c’est justement celui-ci : permettre la représentation de la diaspora à la hauteur de son importance. C’est ainsi que les liens se resserreraient avec la grande diaspora pour se constituer en nation respectable.

En réalité, et de premier abord, les discussions relatives et le projet de loi, semblent faciliter le vote de la diaspora, ce qui trouve sa source à l’application de la constitution (art. 5 §1), constitution qui prévoit, comme toutes les constitutions, l’égalité des voix de vote. Actuellement, tous les Grecs de la diaspora sont sous-représentés, conformément aux dispositions constitutionnelles. Le problème vient du fait que la diaspora veut choisir ses propres députés, et non les députés proposés par les partis politiques en Grèce. Syriza, qui est contre cette mesure, avance les liens rudimentaires que les prétendants au vote doivent tenir avec la Grèce et sa vie politique, et qu’il ne faut pas que leur vote modifie les rapports des forces politiques en Grèce. C’est-à-dire un vote blanc. Sur ce point aussi il serait important de voir les vraies raisons. Il y a donc un terrain d’entente avec le parti conservateur au gouvernement.

Pour revenir aux critiques, celles-ci sont aussi souvent liées aux causes du départ à l’immigration (guerres, guerres civiles, crises économiques, oppression, etc., mais aussi l’européisation de la Grèce qui a beaucoup d’opposants, des dossiers comme le dossier Chypriote, l’accord des Prespes, etc.), ressurgissent et il est à croire qu’ils peuvent modifier la donne politique. La diaspora de façon pressante, a souvent exprimé son mécontentement pour les positions prises. Le sujet est important et décolore les couleurs et les blasons des partis politique, notamment sur les questions de la Nation et de l’Etat. Plus précisément et par rapport à la Constitution qui prévoit un vote épistolique, les Grecs de la diaspora trouvent leurs droits bafoués encore une fois au nom des arrangements entre partis politiques. Les différentes déclarations citent que 75% de la diaspora qui sera déchu de facto de son droit de vote, mais nous dirons ici que, si les Grecs de la diaspora pensent ceci, c’est sans doute parce que leurs attentes en termes de rapprochement, de maintien de la culture et de l’identité, n’sont pas prises en compte. Cela a un coût, mais la question aurait dû être abordée sérieusement depuis des décennies. Aux élections précédentes, ce taux de participation était le même, et personne ne pouvait voter sans un document attestant du droit de vote. Peut-on encore dire que la crise est passé par là ? Non seulement…… C’est que depuis un siècle la diaspora attend les bonnes mesures du gouvernement grec et alarme le gouvernement sur les effets du Temps et des évolutions.

La diaspora doit conserver le droit de vote.

Le risque de voir donc cet électorat « de l’étranger » déstabiliser les assises de chaque parti, conditionner le pouvoir en ayant une position d’arbitrage, crée les craintes dans tous les partis actuels, critiqués fortement par les résidents en Grèce, en principe pour la gestion de la crise de l’euro. Face à cette fragilité de construction de pouvoir, ce dossier a toute son importance. Il faut les 2/3 de l’assemblée nationale pour prendre une décision sur les modalités relatives à l’exercice du droit de vote, sans que celle-ci puisse entraver l’exercice des droits du citoyen. Mais cette même constitution prévoit qu’un votant soit inscrit sur les listes électorales, donc inscrit à l’état civil et qu’il ne soit pas, pour raison de droit pénal privé de ce droit d’élire et d’être élu.

Le choix d’être et d’appartenir à un pays, est au cœur de la mondialisation, à laquelle nous assistons depuis plusieurs décennies. Rien ne remplace actuellement la notion d’un Etat, même après leur dissolution de ceux-ci rendu caduque par leurs besoins en mondialisation. Les états se mondialisent de force, se déplacent, mutent, se multiplient par le biais de leurs acteurs économiques, en offrant des opportunités de citoyenneté à ceux qui présentent un intérêt. Chaque état qui se veut de ce nom, développe des liens, des influences et utilise sa diaspora à cette fin. Au sein du conseil de l’Europe, la plupart des pays ont légiféré en traitant la question de leur diaspora, mais il n’y a aucune obligation de suivre les mesures de chaque pays car ils n’ont pas les mêmes tailles de diaspora que la Grèce. Le droit de vote reste un droit à partir du moment où on reste citoyen par constitution.

Avec la crise de l'euro la Grèce, orientée vers la diplomatie économique, a fermé bon nombre de consulats et ambassades. Les Grecs de la diaspora pourraient prendre les initiatives qui s’imposent pour construire leurs propres consulats honoraires et ambassades, de façon concertée avec les représentants diplomatiques et le gouvernement, et financer ainsi en bonne partie l’extension et la représentation de l’Etat grec. Face à cette exigence, l’exercice du droit de vote, le maintien d’un état civil, là où il convient, la facilitation de la participation au vote, la facilitation et le soutien à l’affiliation et à la culture, à la langue et le maintien de l’identité grecque, deviennent des questions bien plus faciles à aborder. La plus grande partie de ce travail est faite, des communautés sont établies et fonctionnent, rythmées au calendrier grec des fêtes et traditions, avec des écoles et des organisations locales. Construire dans les cinq continents les mécanismes de prise en compte de leur voix est un effort moindre. Espérons que la loi-cadre évoluera dans ce sens. Mais sur cette question majeure, il ne faut pas donc un initiateur, puisque la diaspora s’en charge, mais il faut un agrégateur et celui-ci ne peut être que le peuple grec résidant en Grèce et dont le gouvernement doit suivre l’avis et les intérêts. Seulement ainsi on évitera à fabriquer des citoyens de 3e zone.