Un Été pas comme les autres ?

Mais si on se penche sur le cas grec, il est vrai que l'opacité qui couvre les politiques Américaine et Européenne concernant l'Est Méditerranéen laisse dire que toutes les possibilités seraient ouvertes. Depuis un siècle les relations greco-turques sont sujet à des opérations chirurgicales des pays puissants mais aussi de l’UE qui a du mal à sortir du cadre de sa conception pour avoir une politique propre, hors influence américaine, et lorsque cela arrive, très rarement, l’UE imite les États-Unis, tel un poste avancé de protections des intérêts américains. Les relations gréco-turques dépeignent ainsi une série de vagues avec des hauts et des bas, embellies et tensions, puisque les deux pays continuent à être convoités par les grandes puissances.

Sur un fond de conflit Russo-Américain, sorte de nouvelle guerre froide, cette fois énergétique et non seulement, la Méditerranée, comme la Mer Noire, s’ouvre à l’implication, cette fois nécessaire, des petits pays, à la diplomatie économique et donc énergétique. Ce n’est pas un hasard si la Grèce a accéléré le mouvement pour nouer des relations de toute sorte avec les Émirats Arabes, l’Égypte, Israël, les pays des Balkans et même récemment la Libye. Cet alignement d'intérêts, crée un front de guerre qui laisse dehors la Syrie, la Turquie et tout autre pays balkanique qui refuse d'adhérer au club occidental.Ses efforts multi-objectifs n’ont pas laissé de côté l’importance de renforcer le droit International, laissé pour compte au profit du plus fort. Sur ces nouvelles alliances, même partielles et forcément précaires, l’avenir des pays en mal de mondialisation, se joue sur un horizon souvent très court. C’est le cas de la Grèce qui subit depuis une décennie de plus en plus fortement, les convoitises de tous les pays. Ainsi, tourisme, Zone d'Exclusivité Économique, droits de l’homme, environnement, immigration, solidarités diverses, sanitaire, conventions internationales, etc., tout chapitre diplomatique est activé et mis sous processus, à la place de « laisser faire » les acteurs de l’économie et de la société civile.

Qu'attend la Grèce ?

Citons le règlement de sa ZEE, ce qui lui donnera la possibilité de trouver des industriels d'Énergie pour exploiter son riche sous-sol, l'intégrité de son territoire et la non-révision du Traités de Lauzanne à ses dépens, mais aussi la protection des intérêts de Chypre, dont elle est découpée conformément aux desirata de l'empire Britannique, le règlement des questions d'immigration, cette fois en désaccord avec l' Allemagne, mais aussi la reprise de son économie en développant ses relations avec les pays en développement, comme l'Egypte et Israël, et dans certaine mesure la Libye. Tout passe par la stabilité, promise par les États-Unis. La question est quelle contre-partie sont prêts à accorder à la Turquie l'UE et les Etats-Unis pour arrêter de déstabiliser la région ( Syrie, Chypre, Grèce, Libye, Albanie, Montenégro, Ukraine...) et si possible rester dans l'OTAN avec la condition de sortir du programme S400. Ces enjeux dépassent le cadre d'action de la Grèce même si elle oeuvre pour cela. Il n'est pas sûr que Chypre et Grèce puissent s'opposer à des accords qui leurs seraient contraires.

En accord avec les règles de l’appartenance européenne, mais aussi fidèle à ses engagements Atlantiques, la Grèce remet une grande partie de la définition de ses intérêts au bon vouloir de ses amis occidentaux dont elle essuie la compétition économique et politique sur tous les fronts. Le réalisme politique dit tout de même qu'au sein de l'Alliance Atlantique ce n'est pas la fidélité qui est payante mais la trahison qui est punie, pour dire que la Grèce n'a rien à y gagner mais elle pourrait éviter les dégâts.

C’est cet angle d’observation qu’on vous propose de retenir pour déchiffrer ici les dernières évolutions des agissement turcs en Grèce et en Chypre, qui se discuteront peut-être à la prochaine rencontre entre le nouveau président américain Joe Biden et son homologue turc, déjà prévue le 14 juin au sommet de l'OTAN. La réunion a été convenue lors d'une conversation téléphonique entre les deux hommes vendredi, où il a été annoncé à Erdogan que les États-Unis d’Amérique avaient reconnu le génocide arménien, mais en même temps, Ankara aurait eu la possibilité de "régler ses affaires" avec les Kurdes en Syrie et dans le reste de la région.

À la même date, il est très probable que le Premier ministre grec rencontre le président turc. Le tête-à-tête Mitsotakis-Erdogan, s’il a lieu, se tiendra en marge du sommet de l'OTAN à Bruxelles, et démontrera le rôle de médiation que jouent les États-Unis dans les relations gréco-turques. Très certainement, avant cette date, il y aura la visite à Athènes du ministre des affaires étrangères turc, avec les pourparlers d’usages et la poursuite des discussions exploratoires et aussi de confiance au sein de l’OTAN.

Les discussions UE-Turquie

Elles sont prévues pour les 24-25 Juin, notamment sur les relations douanières, mais beaucoup de sujets seront abordés en coulisses.  

Il est clair qu’après le marché avec la Grèce, pour l’essentiel militaire, assorti d’une mise au point du rôle de la Grèce dans les manœuvres méditerranéennes, les États-Unis et l’UE règleront ensemble leur marché avec la Turquie. Le sujet Chypriote risque d’être discuté, et à ce propos la Turquie a émis ses objectifs concernant la partition définitive de l’île, comme elle a émis son désir de revoir le Traité de Lausanne ce qui pourrait lui accorder quelques iles grecques. Il est donc question de marchander l’avenir de Chypre, sans que le principal intéressé, qui est un pays membre de l’Europe à part entière, puisse se défendre ou être défendu, ce qui est un devoir constitutionnel européen. Il est aussi question, sous la menace du déni, de marchander une participation à l'exploitation énergétique de la ZEE grecque.

Au préalable, et à ce propos, il y aura peut-être une réunion, demain 27 Avril à Genève, afin de lier le contenu des discussions avec le sommet de Juin. Nous verrons bien aussi, si cette réunion a lieu, comment l’UE affrontera la Turquie et ses prétentions au sein des possessions grecs et chypriotes.

C’est donc fin Juin, après l'accomplissement de cette feuille de route fragile et provisoire, en plein contexte de tensions entre Russie et États-Unis qui s’intensifient notamment sur la question Ukrainienne, qu’on verra plus clairement le contenu des nouvelles relations entra la Grèce et la Turquie, car un status quo dans la région n'est plus tenable.

A.A.